Jean GIONO – « Ennemonde et autres caractères »

 

La phrase qui suit va paraître prétentieuse, et pourtant après pas mal de conversations avec diverses personnes sur cet auteur, la réaction est souvent la même : GIONO est très inégal. GIONO peut être abscons pour le commun des mortels par ses références mythologiques, ses digressions complexes, ses descriptions teintées de mysticisme, il peut être ardu à suivre voire donner le sentiment d’être élitiste et de fait totalement incompréhensible par une majorité. Ici dans ce bouquin hybride mi-roman mi-récit, c’est le GIONO qu’on aime, celui qui fait partager des moments de grâce, homme simple et définitivement contemplatif. À la nature sont dédiées des pages splendides, notamment en fin de volume avec un vrai guide de la faune locale. On est bien sûr au cœur de la Provence, du côté de Manosque, on croit entendre les cigales. GIONO a choisi de peindre quelques habitants retirés plus ou moins du monde. Il parle d’eux, d’elles avec tendresse, affection. Derrière des drames il y a des anecdotes succulents, puis ce parcours d’Ennemonde, handicapée, 130 kilos, et pourtant une grâce qui vous envoûte, une beauté imaginée, elle l’aime aussi sa Povence. Dans ce livre, des tout petits rien, de bouts de ficelles en bouts de chandelle qui font une vie. Dernier roman écrit par GIONO qui nous quittera en 1975, peut-être l’un des plus délicats de l’auteur, l’un des plus accessibles, un GIONO entier, observateur, partageur. Et l’on contemple avec lui.

 

(Warren Bismuth)