René FRÉGNI – « Les vivants au prix des morts » – 2017

Rene Fregni

 

René profite tranquillement de la vie avec sa femme Isabelle en Provence où le soleil tape dur lorsqu’une ancienne connaissance le contacte. René a été animateur d’ateliers d’écriture dans la prison des Baumettes, il y a connu Kader, dit Derka, truand au CV long comme un annuaire qui vient de s’échapper de taule et lui demande de l’aide. Kader a passé de nombreuses années en prison pour des faits assez sérieux, ce n’est pas un tendre, pourtant il a toujours respecté René pour son travail dans les geôles. René va lui prêter un appartement qu’il n’utilise plus pour l’héberger et lui laisser le temps de se refaire, quand l’irréparable se produit… Dans ce nouveau roman, René est bien sûr René FRÉGNI qui se met en scène. Est-ce un récit de vie cauchemardesque, une tranche de vie prenant les allures d’un calvaire ? Dans ce cas, ce témoignage sonne comme une thérapie, tellement la vie de ce René, qui en a pourtant vu d’autres, bascule vers l’abîme. Si c’est une fiction, pourquoi se met-il dans la peau du héros alors que l’auteur a eu une vie bien remplie et qu’il n’a sans doute pas besoin d’inventer ? Dans la première supposition, ce livre peut sonner comme un document à charge contre une bande précise de truands marseillais, mais aussi pour le fils de Kader, le narrateur donnant tous les éléments utiles à une enquête policière ultérieure (n’oublions pas que les faits évoqués se déroulent en 2016). C’est ce qui gêne dans cette lecture. La littérature amène à tout, y compris et surtout à inventer des histoires aux lecteurs, et c’est tant mieux. Mais le nom du narrateur étant le même que celui de l’auteur, sa vie également, on préfère penser qu’il s’agit d’une auto-fiction pour se rassurer. Quoi qu’il en soit, ce livre est beau, tantôt tendre, tantôt résonnant comme un règlement de comptes envers la race humaine. La Provence est bien sûr subjuguée comme chez GIONO (qu’il va encore citer dans ce bouquin), l’auteur contemplatif reprend par moments ses droits devant la pression de sa situation personnelle. FRÉGNI parvient à nous faire rêver malgré les caïds qui défilent le long de ces pages. Un livre que l’on peut parcourir comme un roman noir teinté de magnificence de la nature, le bien et le mal cohabitent et se combattent. Paru en 2017, il se lit vite et laisse un goût particulier.

 

(Warren Bismuth)