Stéphane Brizé – « La loi du marché » – 2015

la loi du marché

Thierry Taugourdeau (Vincent Lindon), la cinquantaine a été licencié par l’entreprise Perrin comme plusieurs de ses collègues. Un licenciement économique mal perçu car l’entreprise Perrin a réalisé de gros bénéfices. Avec le comité d’entreprise, Thierry et ses autres collègues licenciés se battent pour faire « cracher », payer au maximum cette entreprise qui les a évincé comme des malpropres ! Mais à côté de cela Thierry enchaîne les formations « sans-issues », les rendez-vous avec les conseillers Pôle-Emploi qui se succédent, les ateliers de simulation d’entretien conseillés par Pôle-Emploi, les entretiens, sans le moindre espoir de retrouver un nouvel emploi. Le temps passe et Thierry ne percevra plus que 500,00 Euros par mois, comment régler les traites de l’appartement, les frais de scolarité de son fils handicapé, le salaire de sa femme ne suffira pas. Revendre l’appartement, alors qu’il est pratiquement payé, c’est hors de question ! Pour Thierry et sa femme le fait de retourner dans un appartement en location équivaut à une régression, pourquoi avoir fourni tant d’efforts pour finalement revenir au point de départ. Revendre le Mobil-Home, oui mais attention pas à n’importe quel prix. Le couple Taugourdeau est pris à la gorge financièrement, mais ce n’est pas une raison pour accepter d’être rabaisser, humilier par cet acheteur qui désire profiter de la situation. Tant pis si la vente ne se fait pas, Thierry se rebiffe et décide que le Mobil-Home n’est plus à vendre. Mais ce n’est pas cela qui va arranger leur situation financière, alors Thierry décide en désespoir de cause d’accepter un poste de vigile dans un supermarché. Cet emploi « alimentaire » va lui permettre de régler ses factures, d’obtenir un crédit pour changer sa voiture, mais pour combien de temps ? Combien de temps acceptera t’il de se renier ? Stéphane Brizé, tout comme Laurent Tuel (« le combat ordinaire »), a voulu nous conter le quotidient de « gens simples », leurs combats, leurs émotions, leurs sentiments. Sauf qu’ici le personnage principal a subi un licenciement. Pour commencer, la colère que ce soit envers ce conseiller Pôle-Emploi qui l’a dirigé vers une formation sans issue : « On ne fait pas n’importe quoi avec les gens », ou avec cet acheteur qui désire abuser de la situation. Puis on sent que Thierry lache prise au fur et à mesure des humiliations, à force d’être rabaissé, broyé. Il n’a plus le cœur à se battre avec ses collègues  à tenter une autre procédure contre l’entreprise Perrin : « Je préfère pour ma santé mentale, tirer un trait ». Lors des ateliers simulations d’entretiens, il accepte toutes les critiques sans broncher, sans réagir. Il n’est plus sûr de lui, comme nous le montre une de ses réponses lors de l’entretien en vidéo conférence. Quand le PDG de l’entreprise lui demande si il est prêt à accepter un salaire moins élevé que celui qu’il percevait auparavant, Thierry répond « Je penses ». Accepter ce poste de vigile, améliorera sa situation financière, et va lui permettre de changer sa voiture, d’aborder plus sereinement la scolarité de son fils, mais à quel prix ? Pour combien de temps ? Au fur et à mesure nous constatons que Thierry Taugourdeau s’exprime de moins en moins par la parole, mais son regard en dit long. Ce film, d’actualité, soulève beaucoup de questions quand à la place de l’humain face au travail, dans notre société, ainsi qu’au mépris de nos personnalités et aux conséquences qui en débouchent.

John Hirsute