ALTERNATIVE – 1979/1986

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ALTERNATIVE fut un groupe majeur de la scène anarcho-punk britannique des 80’s, majeur et prolifique, pour preuve les petites chroniques faisant suite à l’interview ci-dessous menée par Ian Glasper en janvier 2006, ALTERNATIVE ayant été actifs entre 1979 et 1986. Un immense merci à Romain Crustcave qui a assuré avec maestria la traduction et l’a même rendue dans les temps, que la paix soit sur toi ! Pour le reste, interview + illustrations envoyés par Iain Influx, ex-membre d’ALTERNATIVE, merci éternel sur lui !

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Les points de vue et avis exprimés dans cette interview ne représentent pas nécessairement l’ensemble de ceux des nombreux membres passés par Alternative au fil des années. Néanmoins, cette interview offre un regard intéressant sur ce qui fut un des groupes anarchopunk écossais les plus importants de son époque. 

Rice (Eric Beveridge) et Iain Influx (Iain Ball), tous deux membres d’Alternative à un moment ou à un autre, y ont répondu conjointement.

 

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1- Où, quand et POURQUOI Alternative s’est formé? Quels étaient les noms des membres originaux et comment vous êtes-vous tous rencontrés? Alternative était-il votre premier groupe à tous?

Le groupe s’est formé à la fin 79. On s’est rencontré dans la région, principalement à des concerts punks ou dans des boutiques de disques indépendantes. Il s’est avéré qu’on vivait assez proches les uns des autres, à Dunfermline ou dans la périphérie. A l’époque, personne du premier line-up n’avait déjà joué dans un groupe. Le membres originaux étaient : Craig Nicol (chant), Wilf Suman (basse), James Murphy (batterie) et Rick Bentley (guitare).

 

1a. Comment était la scène punk dans le coin en termes de groupes ou de lieux?

A l’époque, la scène grandissait exponentiellement. Des gens avec la même perspective se réunissaient par frustration et colère communes. Ils voulaient faire partie du mouvement anarcho, qui prenait de plus en plus d’importance. La salle locale la plus grande pour les groupes punks était le Kinema Ballroom à Dunfermline. La plupart des gros noms y ont joué, attirant des punks des quatre coins de Fife. Il y a eu The Clash, The Damned, The Rezillos et The Skids. Malheureusement le Kinema Ballroom est devenu une boite de nuit quelques années plus tard, ce qui nous a franchement agacés  en tant que fans de concerts. Du coup on bougeait beaucoup plus à Edinbourg par la suite.

A un niveau local, les seuls endroits où se déroulaient les concerts à Dunfermline étaient des pubs, des clubs et des centres communautaires du coin. Ça nous allait bien à l’époque. Les groupes avec qui on jouait au début étaient Mutal Fear, The Dissidents, The Actives, tous de Dunfermline et Patrol, de Leven.

 

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2- Quels sont vos souvenirs de ces premières années en tant que jeune groupe? Pour trouver le matos, un local de répète, le premier concert?

Au début on répétait chez Rick. Puis on a eu l’occasion de répéter dans un centre communautaire situé à Rosyth. Finalement on a pu obtenir notre propre local à Dunfermline, qu’on louait à la mairie, qui allait être connu sous le nom de The Pad et deviendrait un petit Autonomy Centre. C’était un lieu anarcho assez rudimentaire qui offrait l’opportunité aux groupes du coin de répéter et un lieu de rencontre pour des gens partageant des idées similaires. On l’utilisait pour faire des fanzines comme “Lipstick on your collar” et beaucoup d’articles ou de posters. A cause de la taille réduite, on ne pouvait pas y organiser de gros trucs mais des petits concerts s’y sont tenus. C’était parfait pour que des petits groupes locaux y fassent leurs premiers concerts. Avec le développement de The Pad, au fil du temps c’est devenu un lieu accueillant où on pouvait se retrouver. Puis petit à petit un centre où des personnes d’horizon, d’âge, avec des goûts et des perspectives divers pouvaient échanger. C’est devenu un lieu où les gens pouvaient s’évader et partager des idées communes et des informations.

 

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3- Où, quand et avec qui avez-vous fait votre premier concert? C’était comment?

Le premier concert n’en fut pas vraiment un. C’était en avril 1980 dans un endroit appelé Grangemouth à Lothian. Les UK Subs étaient en tête d’affiche et il y avait aussi un groupe d’Edinbourg, The Freeze, lequels ont refusé de nous laisser jouer pour une raison inconnue. Et on a dû rentrer à pieds pendant des kilomètres en portant le matos. Bien dégoûtés…

 

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4- Quelles étaient vos influences premières en termes de musique et de textes? A une échelle locale et nationale (internationale?)? Selon vous, qu’est ce qui vous a conduit à vous différencier des autres groupes?

Musicalement, on était influencés par les premiers Clash mais on écoutait tout un tas de groupes punks de notre côté et chacun apportait sa petite contribution au groupe. Pour les textes, Crass était l’influence principale. Au début, on avait conscience qu’on ne voulait pas ressembler exactement à tous les autres groupes de l’époque. On avait notre façon propre de communiquer collectivement nos idées. Les textes étaient nos réflexions sur la façon dont les gouvernements et la société affectaient nos vies.

 

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5- Est-ce que vous vous considériez même comme un “groupe anarchopunk” à la base? Ou étiez-vous plutôt enclins à rejeter ce genre de catégories restrictives?

Au tout début, nous ne nous voyions pas comme un groupe anarchiste. Au fur et à mesure de l’évolution du groupe, au fil des années, les valeurs anarchistes et l’idée, la lutte pour une société plus juste sont devenues plus apparentes. La lutte des opprimés dans leur quête de liberté, la lutte de tous les gens en quête d’une société nouvelle dans laquelle les besoins des gens passeraient avant ceux du pouvoir, dans laquelle la planète passerait avant le profit.

5a. Donc, vous considériez vous-comme anarchistes? Si oui, comment définiriez-vous le concept d’anarchie? Qu’est-ce qui vous a séduit (en admettant que vous étiez tous sur la même longueur d’onde politiquement) dans cette variété spécifique du punk-rock?

Notre notion de l’anarchie était une façon autonome et pacifique de vivre sa vie, pas comme tant de gens qui pensaient spontanément à un état sans droit ni loi. Nous avons été attirés par cette variété de punk de par nos inquiétudes à propos des politiques, de la religion, la guerre, le profit et la destruction de la planète. La prise de conscience que tout cela était lié et nous concernait tous. Alternative croyait en une société fondée sur l’individu. Mais chaque individu a des besoins, des sentiments et des attitudes différentes. Ça aurait été irréaliste de penser qu’une telle société naîtrait du jour au lendemain. Peut-être irréaliste en soi, mais pas assez pour ne pas essayer de changer les choses à l’intérieur du système dans lequel nous vivons individuellement. Alternative n’était pas un groupe de rêveurs mais nous croyions en une idée, une lutte unifiée en laquelle tous les groupes de cette époque croyaient, c’est vrai! Ça n’allait jamais arriver d’un seul coup comme on l’a dit plus tôt. La lutte serait continue, et avec cette idée d’un monde meilleur, le combat serait de transformer la société actuelle en une société qui permettrait à tous les humains d’y vivre. Le mode de pensée individualiste qui motivait ce que nous faisions à l’époque (les années 80 anarcho) déterminait ce que l’avenir porterait. Pour que ça puisse arriver, il fallait que ce soit dans l’ici et maintenant (les années 80). Les individualistes se devaient de lancer la réflexion sur ce que contiendraient les idées et idéaux qu’une société future porterait. L’idée de patienter et ne rien faire en attendant le grand soir était irréaliste. Il fallait être capable de se libérer soi-même, de changer sa façon d’être et remodeler sa façon de penser.

 

SI TU VEUX CHANGER LE SYSTEME, IL VAUT MIEUX COMMENCER PAR TOI-MÊME! 

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6- Comment vous souvenez-vous de la première expérience du groupe en studio? Où, quand et qui à la production? Etiez-vous satisfaits du résultat?

Le première expérience en studio fut très nouvelle pour nous tous à cette lointaine époque. La première demo fut enregistrée seulement quelques mois après notre formation. L’enregistrement eut lieu à Edinbourg, aux Palladium Studios, sur un quatre-pistes seulement, donc nous avons compté sur l’ingénieur du son pour nous guider. Le résultat n’était pas exceptionnel mais pour un tout premier enregistrement, on était satisfait. Je me souviens qu’on était très enthousiastes à l’idée d’avoir enregistré notre propre musique.

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7- Parle-nous des différents changements de line-up que le groupe a vécus. Qui est parti, pourquoi et quand? Et qui a remplacé les partants, d’où venaient les nouveaux venus et dans quels groupes ont-ils joué auparavant?

Le premier line-up, l’original, comprenait Craig Nicol (Trinity) au chant, Wilf Surman à la basse, James Murphy à la batterie et Rick Bentley à la guitare. En 1980, Rick a quitté le groupe et a été remplacé par Rodney Relax (Comrie) à la guitare et Eric Beveridge (Rice) est arrivé en tant que deuxième chanteur. C’était le line-up qui a enregistré le morceau “Blind ones” pour la compil “Bullshit Detector”. Wilf est parti peu après et a été remplacé par Gordon Smith (Gogs) à la basse. Dougie McHale nous a rejoint à la mi-82 pour faire la deuxième guitare. Il jouait avec The Actives, aussi de Dunfermline, à l’origine. C’est ce line-up qui joue sur le Ep “In Nomine Christi”, sorti en 1982 sur Crass Records. Après la sortie de ce single, Linda (Rotherham) Linger nous a rejoint au chant et une cassette, “The Bunker”, est sorti peu après avec des enregistrements live de trois groupes : Dirt, Alternative et Reality Control. Le groupe était donc maintenant composé de sept personnes.

Après ça, il y eut encore plus de changements de line-up. En 1983, Eric Beveridge (Rice), Craig Nichol (Trinity) et Gordon Smith (Gogs) quittèrent Alternative. Les choses avaient changé en termes d’orientation musicale et avec l’arrivée de Linda et après quelques mois, Craig, Gordon et Eric sont partis les uns après les autres, en une poignée de semaines. Rice a rejoint The Actives au chant en 1984. Ils furent remplacés par Daz à la basse, Judge Lawless au chant et Billy (D-Warf) à la guitare à la place de Dougie, également sur le départ. En juillet 1984, Alternative est parti en tournée et la demo live “War, the Inheritance of Hate” est sortie. Encore une fois, un nouveau changement de line-up intervint avec le départ du batteur Jaa (James Murphy), lequel allait rejoindre Reality Control à Newcastle. David Woods (Chips), qui avait joué dans Why?, prit sa place derrière les fûts. C’est ce line-up qui enregistra le Lp “If They Treat You Like This, Act Like Manure”, sorti sur Corpus Christi en avril 1984. En juillet de cette année, le groupe est donc parti en tournée et a aussi sorti la demo “Eat the Rich” qui regroupait des enregistrements de lives et de répètes.

Encore une fois, il y eut alors d’autres changements avec les départs de Billy (guitare), Judge Lawless (aka C.R. Aboot, au chant) et Chystal Silpot (basse) et les arrivées de Sean Haliday et Lisa, précédemment dans Direct Action d’Edinbourg. La demo “How Dare You” fut alors enregistrée, par Pano, aux Slurpy Gloop studios à Dunfermline. Lisa est partie après la demo et Iain (Ball) Influx, auparavant dans AUK, a rejoint Alternative à la deuxième guitare. Une autre demo fut enregistrée : “If the Boots Fits, it doesn’t Mean you have to wear it”. Après avoir passé du temps avec le groupe et se rendant compte de divergences sur le sujet du pacifisme, Iain Influx est parti pour rejoindre Slaughterhouse Psychos à Edinbourg (avec Chips à la batterie), et plus tard Exalt à Dundee, avant que le groupe ne se sépare définitivement en 1986. Une dernière demo d’Alternative, “Touch the Earth”, fut toutefois enregistrée avant le split d’un groupe qui avait fait son temps et ne pouvait plus continuer.

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8- Comment vous-êtes vous retrouvés liés à Crass? Vous étiez souvent surnommés “les Crass écossais”… ça vous inspirait quoi?

On correspondait avec Crass au moment où Bullshit Detector était compilé. On leur a envoyé notre première demo avec cinq chansons pour qu’ils puissent l’écouter et en espérant qu’ils en retiendraient une pour la compilation. Ce fut “Blind ones”, également connue sous le nom de “Change it”. Plus tard, ils nous ont donné l’opportunité d’enregistrer un single pour Crass Records, “In Nomine Patri”.

En ce qui concerne le surnom “Crass écossais”, nous étions profondément influencés par eux, comme beaucoup d’autres groupes à l’époque, et on voyait bien la connexion, ça ne nous dérangeait pas. Musicalement, nous étions quand même assez différents. On voulait avoir notre son propre sans se laisser entraîner dans des histoires de styles musicaux. On jouait comme on le voulait et pas comme les autres le voulaient.

 

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9- Quels ont été vos meilleurs concerts? Avec des détails, si c’est possible!

Nous appréciions la majorité des groupes avec lesquels on a joué. Faire des concerts avec des groupes que nous aimions était génial car nous partagions un même intérêt et une façon de penser avec tous les gens du concert. Les concerts avec des groupes plus connus étaient toujours bons. Alternative n’était pas que de la musique ou un truc financier, le but était de communiquer ouvertement et directement avec les gens, ce qui était le cas à chaque concert. Avec Alternative on utilisait les sons produits par les instruments comme on utilisait les fanzines, les affiches, les flyers et les visuels, comme un moyen de communiquer avec des individus à un niveau plus personnel afin qu’ils puissent comprendre les idées et opinions du groupe par eux-mêmes. Donc ça n’a jamais été un problème de jouer avec des groupes connus ou inconnus, peu nous importait. L’unité était l’idée, le rassemblement d’individus partageant les mêmes valeurs et oeuvrant dans un but commun. On a joué avec Flux of Pink Indians, The System, Dirt, Poison Girls, Crass, Andy T, The Mob, Reality Control, Systematic Annex, Patrol, Dissidents, Mutual Fear, Society’s Victims, The Actives, Psycho Faction, UK Anarchists, Heretox BC, Why?… La liste est interminable et il est impossible d’en choisir un favori… Les meilleurs furent ceux qui nous offrirent l’occasion de communiquer le plus avec les autres.

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10- Et inversement, quels furent vos pires concerts et pourquoi?

Eh bien, disons que le public de nos concerts n’était pas toujours amical. Il serait plus approprié de dire que nous avons parfois été incapables de communiquer ouvertement avec les autres. Le concert que nous avons fait à Livingstone fut assez mémorable à ce niveau. Le public avait formé un demi-cercle autour de nous. Ils ne montraient aucune réaction, ni applaudissements, ni invectives. Quand on a terminé le set, on en a parlé au type qui organisait, disant que le public n’avait pas trop apprécié. Il a répondu que s’il ne nous avaient pas aimés, il nous auraient défoncés et piqués notre matos.

Les pires concerts étaient ceux qui étaient marqués par des éruptions de violence aveugle dans le public. Un des pires fut celui à Bellshill, près de Glasgow. On n’en était qu’à la troisième chanson et une émeute a éclaté entre des gangs rivaux. C’était un concert sans limite d’âge à un centre communautaire. Les bouteilles volaient dans les airs, un type frappait les gens avec un marteau, un autre a attrapé un pied de micro bien lourd et l’a jeté sur le public. Il est allé le récupérer, l’a reposé sur scène et nous a remercié. Rice n’en croyait pas ses yeux. On a dû arrêter de jouer et avons conduit des jeunes hors du quartier dans notre van car ils craignaient littéralement pour leur vie.

Un autre, particulièrement mauvais, s’est tenu au Hardgate Hall de Clydebank. On jouait avec des groupes de Glasgow, Pract-Ex et State of Decay. Un concert dont je me souviens très bien pour des bonnes et des mauvaise raisons. A la fin de notre set, on jouait toujours “Where are your Hiroshimas?” et on invitait des gens du public à venir tenir des bannières sur scène pendant qu’on faisait cette dernière chanson. C’est à ce moment qu’une petite fraction du public a commencé à nous insulter et à nous jeter des bouteilles de bières pendant qu’on jouait. Ils essayaient d’arracher les bannières à ceux qui les tenaient tout en crachant leur habituelle violence aveugle qui semblent toujours les exciter tant. Quelqu’un du public s’est fait frapper au visage avec une bouteille. Le concert s’est terminé sur une dispute entre deux des groupes qui se rejetaient mutuellement la responsabilité de l’incident. Une fois que les choses se sont calmées, on a rangé le matériel et on a quitté Clydebank sous un déluge d’insultes.

Il y avait toujours ponctuellement un concert où peu de monde était présent, mais on a toujours joué et fait de notre mieux car ceux qui étaient là avaient payé pour nous voir. L’argent n’a jamais été important pour le groupe mais c’était toujours bien d’avoir un défraiement pour l’essence.

 

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11- Pouvez-vous nous parler un peu des tournées accomplies et de celle que vous deviez faire aux Etats-Unis?

Partir en tournée était toujours compliqué au début car certains d’entre nous travaillaient à plein temps et donc il ne restait que les week-ends et les vacances que nous utilisions pour jouer le plus possible à l’extérieur. Plus tard, d’autres membres du groupe ont pris des boulots à mi-temps, comme faire le ménage dans des écoles par exemple. Alternative a fait quelques tournées en Grande-Bretagne, Ecosse et Angleterre principalement, marquées par des trajets en van longs et épuisants. Quelques uns de ces concerts ont été enregistrés avec un bon vieux magnétophone, ou via l’occasionnelle table de mixage, et peuvent encore être écoutés.

On a eu l’occasion de jouer en Amérique mais ça ne s’est malheureusement pas fait. Impossible de se rappeler de la personne au sein du groupe qui s’en chargeait mais ce n’était supposé être qu’une poignée de dates. Puis d’autres dates se sont ajoutées, principalement sur la côté Ouest. Le groupe c’était A State of Mind, d’Orange County, qui ont fait un split Ep avec Chumbawamba plus tard. Je ne me rappelle pas trop mais il me semble qu’il y a eu un problème de passeports, un truc comme ça qui a fait que ça n’a pas abouti. Les deux ou trois dates prévues à l’origine s’étaient étalées sur une période plus longue.

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12- Vous vous souvenez des studios dans lesquels vous avez enregistré? Et avec quels ingés? Je suis surtout intéressé par le processus d’enregistrement et de création de l’album, que je considère encore comme classique, bien qu’assez obscur, pour le genre!

Beaucoup des enregistrements étaient un mélange de morceaux de studios, de répètes et de lives. Une des premières demo a été enregistrée aux Palladium Studios, à Edinbourg. Impossible de se souvenir de l’ingénieur qui s’en est chargé. Le single “In Nomine Patri” sur Crass Records a été enregistré à Southern Studios par John Loder. “How Dare You”, c’était à Slurpy Gloop Studios à Dunfermline par Pano, qui jouait aussi du synthé sur la demo. Le Lp a été enregistré et mixé à Southern également, par Mel, pour Corpus Christi Records et produit par Pete Wright de Crass et par Alternative. Tous les autres enregistrements du groupe étaient des lives ou des répètes avec un son correct qui ont été sortis par le groupe au fil des années. La demo “Touch the Earth”, et quelques autres, ont été enregistrées au local de répète au 43, Pittencrieff Street, chez nous à Dunfermline.

L’album “If they treat you like shit – Act like manure” a été l’occasion pour nous d’intégrer des chants scandés et des mélodies accrocheuses avec une combinaison vocale entre Linda, Rodney et CR. Abbot jouait parfois en harmonique, parfois en solo, mais toujours de façon efficace et avec beaucoup d’intensité. Annie Anxiety et Pete Wright ont apporté leur aide vocale pour “Till death do you part” sur lequel il y a un chant puissant et profond. L’album était bouillonnant, avec de véritables mélodies comme sur “No I realize” ou avec un morceau rapide comme “Another subversive peace song”. C’était une boutade concernant tous les groupes rapides des années 80 qui n’ont fait que suivre le mouvement de Discharge avec des chansons de cinq lignes jouées à fond la caisse. “Caroline’s carnival” est une chanson intense des plus poignantes sur le sujet de la maltraitance infantile, une des meilleures sur le sujet selon Chris Wiltshire de Ruptured Ambitions. Le chant sur “Death isn’t so sweet” essayait de se rapprocher de ce que pouvait ressentir un renard chassé à travers la campagne, dans les bois. Quelque chose de vraiment compliqué à transcrire pour Linda, qui n’était jamais totalement satisfaite du rendu de sa voix et a dû courir autour du studio plusieurs fois pour donner cette texture essoufflée au chant sur le Lp. Le son d’une porte de frigo, ouverte puis refermée, a été utilisé sur le début d’un des morceaux. Avec les efforts sonores qu’on a ajoutés, c’est impossible de savoir que c’est un frigo.

 

12a. Comment décririez-vous les différentes évolutions entre chaque  enregistrement? Etait-ce toujours naturel et organique ou aviez-vous     une idée précise du résultat avant l’écriture et l’enregistrement?

Au début, le groupe était satisfait de son son et de ses chansons mid-tempo et énergiques. Le double chant conférait un aspect intéressant aux chansons. Au fur et à mesure que le groupe avançait, il a aussi changé musicalement avec tous les line-up successifs. Certains membres n’étaient pas contents des nouvelles orientations et rendaient leur tablier. A cette époque formative, les chansons les plus rapides ont commencé à disparaître pour laisser place à des sonorités plus mélodiques et expérimentales. Peu à peu, les guitares délaissaient les accords typiques, en même temps que la réverb devenait de plus en plus usitée, le son du groupe a évolué dans ce sens. “Touch the Earth” était sensé apporter une nouvelle dimension musicale, avec des nouveaux morceaux et des adaptations d’anciens. La musique, comme la plupart des groupes, évolue au fil du temps. Oui, c’était une évolution naturelle, Rodney est devenu l’influence principale dans le groupe, son aptitude à jouer de la musique et à sonner différemment, sans pour autant que cela ne devienne cacophonique, démontrait son habileté à la guitare.

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13- Quand et pourquoi le groupe s’est-il séparé? Où, quand et avec quels groupes a eu lieu le dernier concert? C’était comment?

Alternative s’est séparé en 1986 après la sortie de la demo “Touch the Earth”, qui est donc le dernier enregistrement sous ce nom. Le groupe avait fait son temps et a tiré sa révérence de façon appropriée. Les raisons du split ne sont connues que de Rodney et Linda, et c’est pareil pour ce qui est du dernier concert. La dernière fois qu’Alternative a joué, pas en tant que groupe, mais en tant que trois individus, c’était à The Venue, à Edinbourg. Après avoir quitté Alternative, Rodney a commencé à organiser des concerts à Edinbourg. Chips et Iain jouaient avec Slaughterhouse Psychos, avec Richard à la basse et Mandy au chant, et étaient à l’affiche d’un concert organisé par Rodney avec The Cateran et Hee Haw à The Venue. Le concert ne s’est pas très bien passé pour eux et Rodney était dans le public. Il a suggéré à Iain et Chips de jouer quelques chansons d’Alternative avec lui, ce qui a beaucoup plu aux gens présents, et ce fut la dernière fois que ces trois là jouèrent ensemble.

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14- Qu’est-ce que vous avez tous fait après Alternative? Musicalement et généralement?

Après le split d’Alternative, quelques membres ont continué à jouer dans des groupes. Rodney Relax s’est mis à la poésie et a travaillé avec des groupes comme Hedonism et Swim-Fan. Après son départ, Rice a rejoint The Actives au chant et continue encore à aller à beaucoup de concerts punk. Il est assistant social. Craig Nicol (Trinity) est maintenant entraîneur de boxe. Gordon Smith (Gogs) et Wilf sont partis à l’étranger pour bosser. James Murphy (Jaa) est devenu chef et traîne encore autour d’Edinbourg. Iain (Ball) Influx a rejoint Slaughterhouse Psychos avec Chips (David Woods), puis Exalt (de Dundeed) à la guitare, un side-project avec son frère, This Tribe, et enfin est revenu dans AUK. Malheureusement Chips, le batteur sur le Lp notamment et dans beaucoup d’autres projets par la suite, est décédé suite à des problèmes de santé récurrents. C’était une personne au talent et au coeur énorme, toujours prêt à aider les autres, et il manque à tous ceux qui le connaissait, qui ont travaillé avec lui et ont eu le plaisir de sa compagnie au fil des années. Curly (Mark Heathcote), un ami du groupe qui faisait les choeurs sur “In Nomine Patri”, est toujours dans le coin, et en ce qui concerne le reste des membres passés par Alternative, leurs aléas demeurent un mystère.

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15- Comment, des années après, ont changé les “idéaux anarchopunks” que vous revendiquiez dans Alternative? Quel impact a eu votre implication dans Alternative sur la personne que vous êtes aujourd’hui?

Être dans un groupe, dans Alternative, nous a tous transformés en anti-conformistes, à un certain degré, dans nos vies. Il est impossible de ne pas être transformé quand on a fait partie d’un groupe comme Alternative, au sein d’un mouvement qui signifiait tant pour tous les gens impliqués dans les années 80. j’aime à croire qu’il reste un peu d’anarchiste en la plupart d’entre nous. Pour d’autres, l’idée que l’anarchisme peut fonctionner a commencé à se dissiper, ce qui les a conduit à quitter le groupe. D’autres encore sont partis pour des raisons plus personnelles.

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16- Quels souvenirs aimeriez-vous laissés? Si vous souhaitez en laisser d’ailleurs! Je me demande quel regard vous avez sur votre héritage musicale aujourd’hui avec le recul?

On se souviendra probablement d’Alternative comme un des nombreux groupes britanniques qui a protesté contre les injustices de ce monde et a aidé à ce que quelques personnes se forment leurs propres opinions. Le groupe a utilisé la musique pour rapprocher les gens, pas comme un tremplin pour gratifier son ego, il y avait déjà bien assez de monde pour faire ça et contribuer à l’épanouissement de l’industrie musicale capitaliste. Le fait qu’Alternative était là pour partager une cause, une idée commune avec d’autres individus, le fait que le groupe a apporté sa pierre à la contestation de l’époque. Alternative s’est battu pour ses convictions, essayant vainement de provoquer une réaction. Alternative ne se confrontait pas à ces individus mal-intentionnés et cramés du cerveau dont le seul but était de tout gâcher pour tout le monde. Des gens avaient des idées préconçues sur Alternative, comme quoi on était des pacifistes aveugles et bouffeurs d’herbe. La vérité c’est que c’était précisément ces individus qui refusaient de remettre en question leurs attitudes et de prendre conscience des circonstances, de réagir pour trouver une solution appropriée à la situation.

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17- La musique peut-elle changer le monde? Ou est-ce juste une illusion niaise et sans espoir?

La musique peut changer la façon dont des individus perçoivent le monde en les incitant à résister. Comme pour tous les groupes, pas mal des messages et des idées exprimés sur scène se perdaient parfois dans les esprits vides des gens juste là pour entendre de la musique. Alternative n’a jamais eu la prétention d’avoir réponse à tout ou de parler à la place de tout le monde. Quand on montait sur scène, on essayait de communiquer directement avec le public et de rassembler les gens. Si on est parvenus à changer la façon de pensée de quelques personnes et contribués à améliorer notre environnement direct, on a réussi à faire quelque chose. Si quelqu’un n’a été influencé strictement que par notre musique, alors c’est un échec.

“Quelle est l’Alternative?”, il faudrait répondre que notre “Alternative” est ce que nous sommes. Nous devons regarder en nous-mêmes, poser les questions nous-mêmes, et apprendre à comprendre et développer nos propres atouts. Émergeant du chaos, la lutte continue toujours.

Alternative, Juin 1983

 

COMMENT OSENT-ILS SUGGERER QU’ON RESTE A GENOUX…

 

 

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Avant de passer à la rubrique chroniques d’une discographie (mal) annoncée, je me suis permis de poser une dernière question à Iain. En effet, j’avais vu qu’ALTERNATIVE était sur l’affiche d’un concert de 2009 avec entre autres CONFLICT et SUBHUMANS. Or l’interview ci-dessus date de 2006. Depuis 2006, y’avait-il eu reformation ? ALTERNATIVE avaient-ils effectivement joué ce soir de 2009 ? Réponse de Iain Influx :

Le concert de reformation n’a jamais eu lieu en fin de compte puisque quelques plus anciens membres estimèrent que leurs opinions politiques avaient changé et ne se sentaient pas de jouer à nouveau live. Dommage car était prévu un concert en deux parties d’anciens puis nouveaux titres.

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Ci-dessous est présentée une « discographie/cassettographie » qui ne se veut pas exhaustive pour plusieurs raisons : les diverses sources se contredisent quant aux noms des demos, aux titres présents, aux années d’enregistrements. Mieux, certaines démos ont été sorties en plusieurs versions (par exemple 4 différentes versions pour la demo « How dare you » !), avec parfois un ordre différent voire un nombre différent de titres !!!! Pour corser le tout, certaines cassettes ont pu être « remplies » par des chutes et extraits de demos précédentes, donc à peu près impossible de s’y retrouver sans y perdre une partie de son latin. Néanmoins, j’ai fait au mieux pour proposer une palette assez précise de ce que le groupe a pu sortir au long de ses 7 ans d’activisme. Quant aux cassettes live, seules deux sont présentées car il fut impossible de faire ne serait-ce qu’une liste du nombre de cassettes enregistrées en concerts par le groupe sorties au fil des années, entres les cassettes du groupe seul, les splits et celles à trois groupes. Dans ces chroniques manqueraient (au conditionnel bien sûr !) pour les enregistrements studio, la split cassette ALTERNATIVE/TOXIC SHOCK de 1984 (un titre par groupe), la demo « Touch the earth » de 1986 comportant 9 titres (la plupart déjà présents sur les enregistrements proposés ci-dessous) et la cassette « No government can ever give you freedom » qui semble être une compilation sortie en 1987. Quant à la demo « Get away with it all with the army », cela me paraît être sous un autre nom la demo « Just because the boot fits… » présentée plus bas. Bref, pour paraphraser John HIRSUTE « Chaotique c’est normal. En tout cas c’était une époque chaotique », je ne le lui envoie pas dire…

En entamant ce travail sur ce groupe, j’étais très loin de penser qu’il me prendrait autant de temps, de nombreuses heures à réécouter les divers enregistrements, faire le tri entre les productions, les comparer pour être sûr de ne pas chroniquer deux fois la même, chercher, encore chercher et toujours chercher des informations fiables sur cette discographie qui, malgré tout, reste obscure sur certains points. La voici aujourd’hui, avec ses défauts, probablement ses erreurs, mais avec un sentiment de satisfaction d’avoir en quelque sorte ressusciter pour un instant ce groupe majeur.

 

First demo 1981 (« Rising sun » ???)

Les influences de départ punk-rock 1977 dont parlent les membres dans l’interview ne sont pas encore complètement digérées (les titres « Delusion », « Click of the camera »), le rythme et les riffs sont encore un peu rock, le son un peu sourd, mais le potentiel est bien là. Bon c’est du vieux matos, donc la bande chevrote un peu à certains moments, mais ne gâchant en rien le plaisir de découvrir le premier enregistrement ( ?) de ce groupe majeur pourtant un peu oublié. 9 titres sautillants et frais, loin du pardessus gothique dont commençaient à s’affubler certains combos de ce mouvement dès cette période (pour ALTERNATIVE ces influences apparaîtront plus tard). Les flamboyances purement anarcho-punk jaillissent sur la plupart des titres, et l’on se surprend même à entrevoir du punk UK’82 (« Try to understand », « Why not ? »). 9 titres résumant assez bien la tendance musicale britannique au sein du punk radical d’alors. Et puisque rien ne sera simple dans cette quête d’informations sur les dates et ordre des demos, celle-ci fut gravée bien plus tard sur un LP en compagnie de la demo « Anti-christ » (voir plus loin) ainsi qu’un live 1983, et que cette demo est sur ce LP considérée comme ayant été enregistrée en 1982, donc ne serait éventuellement pas la première du groupe !! (l’artwork proposé ci-dessous est incertain, comme de bien entendu).

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« Freedom not fear » Demo’81

Cette même année, enregistrement d’une autre demo, 9 titres au compteur là aussi.  Si l’enregistrement commence par une chanson anarcho-ska (qui pourrait d’ailleurs signifier plus ou moins les débuts de ce style pour lequel je préfère ne pas m’étendre) « Where are your Hiroshima ? », la suite prouve que le groupe ne se limitera pas du tout à ce genre un tantinet mièvre. La cavalerie anarcho-punk prend ses marques, et le résultat est bien sûr assez affolant. Certains titres sont repris de la demo précédente, d’autres sont des inédits. La recette est la même que pour la première demo : entre style’77 (« Killing machine », « Rising sun »), anarcho-punk (« Unknown », déjà joué sur la première demo et repris deux fois ici) et UK’82, avec des accents gothiques sur le morceau « Moral bondage » (que le groupe reprendra plus tard) ou mélancoliques (« Hawks and dove »). Le son est aussi rugueux que sur la première demo, on sent bien le support cassette !

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« Anti-Christ » Demo 1982

C’est précisément sur cette demo que ALTERNATIVE devient réellement un groupe anarcho-punk, par la musique s’entend (et sans jeu de mots mes chers compatriotes) : passages parlés, arpèges purement représentatifs. 7 titres au programme de cette demo. Le son s’affirme, devient plus subtil. Le titre « Anti-Christ » met directement dans le bain : lancinant, parfois parlé, mélancolique, merveilleuse mélodie. Il en est de même pour la suite, des compositions restant ancrées dans la tête tel un méchant tube des 80’s. Les membres ont appris à jouer et cette demo est un bijou (rien à voir avec le groupe, hein !) de bout en bout. Même le titre « Killing machine » déjà joué précédemment revêt un caractère anarcho-punk jusqu’à l’os avec une pêche que ne détenait pas la première version. Le son de guitare est plutôt abrasif, rajoutant un côté « destroy » au résultat. Le titre anarcho-ska déjà cité est ici plus abouti et termine cette demo d’anthologie.

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« In nomine patri » EP 82

Ce EP sorti originellement sur Corpus Christi reprend 4 titres des 7 de la demo précédente : « Anti-Christ », « Warfear », « Who’s sussed » et « Moral bondage », même enregistrement, mêmes versions, EP indispensable pour tout fan d’anarcho-punk néanderthalien. Un joyau, tout simplement. A noter que la pochette est un pur plagiat de CRASS Rds, très réussie elle aussi.

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« War : The inheritance of hate » Demo’83

Présentée comme une demo, elle n’en est pourtant pas une puisque enregistrée en live. Cette cassette comprend 12 titres au son assez correct bien que justement typiquement live (larsens au micro, sensation de son parfois « lointain » ou « tournant »), mais d’entrée les oreilles sont ravies par cette première version de « Another subversive peace song » (que l’on retrouvera plus tard en ouverture du LP). Suivent des titres déjà enregistrés antérieurement par le groupe, d’autres qui le seront ultérieurement. On a déjà dans cet enregistrement de 1983 tout ce qui fait et fera la force d’ALTERNATIVE, même si comme la plupart des titres existent en version studio et que les versions live n’apportent rien de véritablement nouveau (il semble cependant qu’il y ait des inédits, mais difficile à confirmer avec l’énorme discographie du groupe et les divers changements de titres selon les enregistrements), il vaut peut-être mieux creuser sur leur discographie studio pour avoir une idée plus précise. Reste un bien joli témoignage de l’énergie du groupe en concert, qui nous montre également que les membres maîtrisent parfaitement leurs instruments car très peu de fausses notes sont à déplorer malgré parfois une certaine complexité dans les compositions. Petit détail supplémentaire : c’est ici que la chanteuse Linda semble intégrer le groupe puisqu’on peut l’entendre sporadiquement pousser la chansonnette, notamment sur un titre sans nom me semblant inédit. Quant à « Anti-christ » qui clôt ce live, il est précédé par une sorte d’impro du « Fight war not wars » de CRASS, tiens donc !

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« Eat the rich » cassette live 1984

Là encore c’est une cassette issue d’un live donc le son n’est pas forcément au rendez-vous et les larsens sont légion. Le rendu est assez chaotique malgré des titres là encore flamboyants. 16 titres sur la setlist, inclus les « tubes » du groupe. A noter l’arrivée plus massive de la voix féminine sur cet enregistrement, qui donne une épaisseur supplémentaire au résultat. Mon opinion est tout de même que ce live n’a pas le son suffisamment clair pour apprécier les compos, ALTERNATIVE étant un groupe assez inventif dont le travail n’est pas assez mis en valeur ici. Pour les fans ultimes donc.

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« Isolation from another from oneself » Demo’84

8 titres au programme et son un tantinet sourd, sans doute une copie de copie de copie (…) de cassette originale, comme il se faisait sans vergogne dans les années 80. J’ignore si ces bandes sont antérieurs à la demo « How you dare » (voir plus loin) mais il semblerait qu’elle ait été enregistrée bien avant : la voix féminine est absente, hormis sur le dernier titre « What’s so pitiful », la musique très anarcho-punk sans fioritures ni pincées expérimentales. Très proche de que le groupe jouait en 1981-1982 en fait. Des titres ont été d’ailleurs enregistrés en studio précédemment. En fait, cette cassette apparaît plus comme une compilation, un best of de vieux titres du groupe donc pas une véritable demo, mais le doute plane.

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« How dare you » Demo’85

Retour aux expériences studios avec inédits ! Enfin studio, c’est beaucoup dire, ça sent tout de même l’enregistrement en répète. Demo 9 titres démarrant par un superbe titre basique à double voix, enregistrement passant entre autres par les superbes arpèges de « Now I realize » prenant aux tripes, épaulés divinement par la voix de Linda. Les influences font un peu plus gothiques sur cet enregistrement tout en gardant cet esprit CRASSien évident, avec une petite place pour l’anarcho-expérimental (CRASS était en pleine expérimentation bruitiste à cette période). Mais des passages plus poppies montrent le bout de leur nez (« Who cries for the hungry ? »). Etonnamment des retours de flammes des influences 1977 se font entendre (« No one hear the screams ») mais bien maîtrisés en gardant cet esprit anarcho très prégnant. La palette musicale est vaste sur cette demo qui marque de plus en plus un tournant musical dans la carrière du groupe. Le son est très bon et permet de remuer des arpions, avant que ne s’achève la cassette par un très mélancolique « Entertainment atrocities » suivi d’un encore plus mélancolique  titre sans nom au son clair. Peut-être ce qu’ALTERNATIVE a fait de plus singulier.

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« If they treat you like shit – Acte like manure » LP’85

Soyons sérieux une minute voulez-vous ? Cet album de 15 titres est un élément essentiel dans le mouvement anarcho-punk des 80’s. Il flirte sans cesse avec la perfection et aucun titre n’est en dessous des autres : pure musique anarcho-punk avec les nombreux roulements de batterie et tout le toutim, double voix mixte, riffs à la early-CRASS/FLUX OF PINK INDIANS, ambiance politisée, samples, pochette faite de montages. Le son est parfait lui aussi : savante dose de saturation discrète et jeu de basse très rond. Il fait indubitablement partie des meilleurs LP du style sortis dans les années 80, les mots me manquent tant ce disque est un joyau de toute part. Certains titres avaient déjà été enregistrés sur des demos précédentes, d’autres sont inédits, et un titre live avec un très bon son trône au beau milieu. Pas un moment de faiblesse, et surtout le vinyle est varié : saute-mouton entre titres pêchus, mélancoliques, gothiques, voire passages 70’s, pas moyen de s’ennuyer une seconde, album grandiose !

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« Just because the boot fits, doesn’t mean you have to wear it » Demo’86

Visiblement enregistrée en répète, mais son tout à fait correct, comme sur la « How dare you » de 1984. 11 titres pour cette demo. Le style s’affine un peu plus, les musiciens ayant pris de la bouteille et de l’assurance tout en gardant cette forte influence qu’ils ont su si bien puiser du côté de CRASS. La recette déjà réussie tout au long de leurs précédents enregistrements est ici reprise, avec cependant de nombreuses cassures de rythmes, qui signifient aussi de nombreuses parties sur un même morceau. La voix féminine est dorénavant quasi exclusive, la masculine n’étant présente que pour quelques phrases jetées avec parcimonie. Le seul bémol est que les voix justement sont un peu en retrait (pas facile d’égaliser les sons pendant une répète !). Nombreux arpèges et passages mélodiques, mais la rage reste au rendez-vous. Un tournant semble s’amorcer mais sans jamais renier les influences du début du groupe.

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« Demos 1982 (& live 1983) » LP 2011

Ce LP sorti sur ANTISOCIETY Rds regroupe la demo présentée ci-dessus comme la « First demo » enregistrée en 1981 (mais notée ici 1982), la demo « Anti-christ » de 1982, ainsi que 7 titres enregistrés live en 1983,. Le son du live n’est pas éblouissant mais pas non plus inaudible, loin de là ! De plus sont présents quelques inédits qui font de cet enregistrement un témoignage rare et émouvant, et une outro reprise « free » du « Fight war not wars » de CRASS. L’artwork est encore une fois tout à fait réussi avec des documents d’époque pouvant faire de ce LP le véritable second album d’ALTERNATIVE, 26 ans après le premier !

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ALTERNATIVE fut un de ces groupes à la fois discret et prolifique. Peu de tournées, pas de notoriété démesurée, juste le plaisir de jouer, le devoir de revendiquer un monde meilleur. Quoi qu’il advienne, il restera une influence majeure de part la conduite de sa « carrière », sa musique sans cesse remise en cause, son discours radical mais pas haineux, et bien sûr son artwork largement au-dessus du lot à mon sens. Un groupe à réhabiliter d’urgence !

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(Warren Bismuth)